Un pays admiré mais différent
Né en Espagne, mais fils d'un père milanais, Maino
qui a séjourné en Italie dans les toutes premières
années du XVIIe siècle, pourrait introduire
un autre parcours encore, mais celui-ci totalement virtuel : un
parcours à travers la peinture italienne qui se dresse à
l'horizon du domaine espagnol, non comme une terre promise à
conquérir, mais comme un pays de passage, de séjours
et d'expériences, un pays admiré, mais différent.
Présence dans les uvres
Si des artistes, formés en Italie, comme le Greco, ou d'ascendance
italienne directe, comme Maino, Cajes et les frères Rizi,
se sont parfaitement acclimatés en Espagne, on peut affirmer
que tous les peintres marquants du Siècle d'Or, ont regardé
avec attention les chefs d'uvre de Venise, de Bologne ou de
Rome, à la faveur soit de leurs années de formation
en Italie, soit de leurs visites assidues des collections royales,
tellement riches en chefs d'uvre italiens.
La forme
On pourrait se livrer à un jeu de découverte des
citations évidentes : la présence de S. del Piombo
dans un tableau de Ribalta, ou de J. Bassano dans une uvre d'Orrente.
Lesprit
Mais il y a une présence plus subtile et plus diffuse, dans
les détails de silhouettes humaines ou des paysages, chez
Cajes ou Herrera l'Ancien ; il y aurait, de même, dans le
Camilo, un souffle venu de l'Assomption du Titien aux Frari de Venise.
La grande ombre du Caravage se fait envahissante dans la première
moitié du siècle, en particulier à Séville
chez Zurbaran et Murillo, mais aussi sans doute chez le jeune Velázquez,
et à Valence, chez Ribalta et Espinosa ; et Ribera, auquel
son installation à Naples n'a pas fait perdre sa personnalité
espagnole, lui doit sans doute beaucoup. Par son tempérament,
plus que par ses inventions formelles, Alonso Cano prolonge jusqu'au
milieu du Siècle d'Or un état d'esprit qui vient directement
de la Renaissance italienne. Quant au Maino, il serait impensable
sans la connaissance directe du paysage romain dans la tradition
des Carrache et du Dominiquin.
Spécificité de la relation entre lEspagne
et lItalie
À chacun de regarder ces tableaux avec ses souvenirs d'Italie,
pour les oublier ensuite et restituer la peinture espagnole à
sa souveraineté et à sa grandeur, à sa personnalité
si accusée, qui tient non seulement à la force de
l'imprégnation religieuse, mais aussi à la spécificité
de sa relation à l'Italie : si les peintres espagnols ont
longuement regardé les peintures italiens, ils se sont, à
part quelques exceptions illustres, beaucoup moins intéressés
aux modèles omniprésents présents des Italiens
eux-mêmes : ces sculptures canoniques de l'Antiquité,
au contrôle desquelles ils soumettaient, depuis le début
du XVIe siècle, leur vision de la nature. L'univers
de la peinture espagnole n'est pas une nature corrigée par
l'art, selon l'expression courante des théoriciens italiens,
mais une réalité rachetée par l'Incarnation.
C'est une nuance. Dans ses entretiens parisiens, le Bernin se moquait
gentiment du « réalisme » des interlocuteurs
espagnols qu'il avait rencontrés à Rome. Depuis, l'art
a pris une dimension historique qui nous permet de regarder sans
préjugés : contempler les tableaux espagnols
du Siècle d'Or avec une culture italienne, c'est donner une
dimension supplémentaire à l'admiration qu'ils appellent.