Création d'une base terminologique arabe / langues européennes
Yacine Benachenhou
FORTEM International
 

Introduction

Depuis longtemps, l'Europe et le monde arabophone ont eu des relations très étroites dans beaucoup de domaines. On peut citer, par exemple, les relations maroco - espagnoles, germano - iraniennes et hollando - indonésiennes.

La langue arabe, à l'instar des langues européennes, est traversée de courants divers. Cela est particulièrement vrai en matière d'emprunt, d'arabisation de termes non arabes (européens ou pas). Ces relations ont évidemment laissé des traces dans chacune de ces langues. Chaque langue emprunte les termes d'une autre langue dans le domaine où les relations ont été les plus intenses.

Afin de pouvoir créer une base terminologique arabe - langues européennes, on divisera cette étude en trois parties.

Dans une première section, on fera l'état de la situation linguistique de la langue arabe.

Dans une deuxième section, on étudiera la relation actuelle des langues européennes avec l'arabe.

Enfin, dans une troisième partie, on verra ce que l'on peut proposer comme solutions aux différents problèmes que l'on aura soulevés dans les sections précédentes.

 

Première partie

Situation linguistique de la langue arabe

La langue arabe est, comme vous le savez, la langue du Coran. En tant que telle, elle est diffusée dans tous les pays qui sont devenus musulmans. Vu que l'arabe est la langue de communication de pays islamisés, elle est considérée par certains comme invariable et sacrée. On notera que ces pays ne sont pas tous des contrées arabes même s'ils ont adopté l'arabe comme langue de correspondance.

En conséquence de cela, l'arabe est diffusé dans des pays aussi différents que le Maroc, la Turquie ou l'Iran. Chacun de ces peuples a pris cet idiome et l'a adapté à ses spécificités afin qu'il soit mieux accepté par les populations locales. A la suite de cela, les pays ont eu leur propre histoire. Ils ont donc adopté des lois - de gré ou de force - venant de la puissance dominante.

Ainsi, les mauritaniens, marocains, algériens, tunisiens, syriens et libanais ont inséré les lois de la France dans leurs propres législations. D'autre part, les égyptiens, soudanais, saoudiens, irakiens ont basé certaines de leurs lois sur des règlements anglais. On notera aussi qu'il y a eu des influences fortes entre l'italien et le persan et entre le turc et l'allemand.

Il est intéressant de relever que les caractères arabes sont toujours utilisés par les turcophones et persanophones. En conséquence, l'évolution et les rapports futurs qu'aura la langue arabe avec les langues européennes auront - de près ou de loin - des influences sur le développement et les liens à venir entre les langues dérivées du turc (tatar et osmanli) et du persan (parsi et pahlawi).

Les échanges avec les diverses cultures venues se fondre dans l'empire musulman et les emprunts faits par la langue arabe aux multiples langues en usage dans ce vaste empire ont fait que cette langue a pu, non seulement, exprimer tout ce que l'homme inventait ou réalisait mais devenir aussi, pour ceux dont elle était la langue maternelle, comme pour ceux qui l'avait adoptée dans les diverses contrées, un aiguillon pour la pensée et un mode sans cesse perfectible d'expression et de communication.

En conséquence, on peut dire que l'on est étonné du nombre de mots arabes contenus dans ces langues (persan, turc et ourdou entre autres). La plupart de ces mots ont un sens différent en arabe et dans les autres langues mentionnées précédemment. Le but de cette explication est de corriger une erreur très répandue qui est de croire que l'héritage musulman ne peut être exprimé qu'en arabe et, exclusivement, dans cette langue-ci.

 

Deuxième partie

Relation actuelle des langues européennes avec l'arabe

Pendant longtemps et jusqu'en 1912, l'espagnol fut la langue des relations internationales, au Maroc. C'est ainsi que, moyennant quelques transformations qu'entraîne le système phonétique et phonologique de la langue emprunteuse, un nombre considérable de mots français s'est greffé sur l'arabe qui a été parlé au Maroc à partir de 1912. Cette influence de l'Espagne sur le Maroc est encore très présente de nos jours. Essayons de voir comment fonctionne cette influence et notamment par l'emprunt. Ce dernier est, dans la plupart des cas, un élément indispensable pour la communication de la masse. Pour tous ceux qui ne peuvent s'exprimer en français, pour ceux aussi qui ne peuvent accéder à la connaissance de l'arabe classique, l'emprunt reste le seul moyen de combler les lacunes que présente l'arabe dialectal.

La scolarisation massive depuis les années 60 dans les pays du Maghreb, ainsi que le développement des moyens audio - visuels de communication dans l'ensemble du monde arabophone, ont consolidé un bilinguisme de fait et maintenu entre les langues européennes et les langues utilisant les caractères arabes, un contact permanent. Ce qui engendre des interférences, des changements, et même des modes dont il convient de prendre conscience.

Intéressons nous maintenant aux "interférences". Force est de constater l'inégalité des moyens et, partout, le retard des recherches lexicographiques dans le domaine arabe. Or, on sait que c'est la langue qui défend et exprime les valeurs d'une culture, illustre et concrétise les modèles d'une société. Doit on en conclure que les arabophones sont condamnés à suivre passivement les évolutions langagières des langues européennes et de l'arabe ?

Etudions donc les contacts entre ces groupes de langues. Le système vocalique de l'arabe étant très réduit (trois voyelles), les locuteurs arabophones rencontrent d'énormes difficultés à prononcer correctement les voyelles qui ne leur sont pas familières et ont tendance à les confondre ou à les déformer. En revanche, le système consonantique est très développé en arabe.

Chaque locuteur doit essayer de respecter les règles de la langue d'arrivée, car chaque langue a son génie propre. Cette évidence échappe de plus en plus aux usagers de la langue arabe. Le génie, la vie même semble se retirer de cette langue. Si les européens créent des concepts et des termes, les arabophones se doivent d'en faire autant, tout en essayant de sauvegarder le génie de leur langue. Ce qui est valable pour l'arabe l'est aussi pour le turc et le persan, langues utilisant (ou qui utilisaient) les caractères arabes.

L'initiation à une autre culture ne peut se concevoir sans l'enracinement préalable de l'individu dans sa propre culture.

Voyons ce qu'il en est de l'utilisation de l'arabe par ses locuteurs. En arabe, il y a ceux qui n'emploient une expression que s'ils la comprennent et la jugent conforme au génie de la langue.

Qu'en est-il de son enseignement ? Dès son apparition dans l'enseignement européen, l'arabe a d'abord été considéré comme un moyen pratique et unilatéral d'entretenir des relations plus aisées avec les pays colonisés. Cet enseignement semble donc avoir souvent été fondé sur des intérêts proprement européens. Or, cet enseignement devrait avoir pour but d'éliminer les obstacles sociolinguistiques que connaissent les enfants arabophones et leur donner ainsi plus de chances de succès dans leurs études ou dans leur réinsertion éventuelle dans le pays d'origine.

Quels sont les problèmes dans ce domaine ? Les maîtres auxiliaires en langue arabe sont plus recrutés selon leur origine que selon la qualité de leur formation.

Pendant longtemps, sans doute, les acculturations imposées par le phénomène colonial ont contribué à masquer les dimensions et les spécificités véritables que revêtent les inévitables rencontres culturelles entre les peuples.

Du côté des pays arabophones, aucun pays musulman n'a de système éducatif de second degré adéquat. Les gouvernements envoient toujours leurs étudiants se former en Europe ou aux Amériques.

Cela est dû au faible nombre de professeurs arabophones et arabisants dans les pays arabo - musulmans assez qualifiés et utilisant des livres de classes mis à jour et modernes. Les méthodes d'enseignement doivent cesser d'être obsolètes et refléter la vie des arabophones vivant au vingtième siècle et non la vie qu'ils avaient aux siècles précédents.

Il en résulte que les scientifiques de ces pays-là n'ont pas de véritables occasions de bien se former chez eux ni d'avoir de soutien gouvernemental pour développer les centres de recherche, les talents ou les ressources pour un enseignement de haut niveau.

La recherche sur des sujets d'une importance vitale pour les pays arabophones est extrêmement faible en quantité. Une grande proportion de recherches effectuées sur les pays arabophones est faite par des chercheurs issus d'autres zones géographiques : 90 % de tous les livres et recherches sur le monde arabe sont écrits par des non arabes. Donc, la majeure partie des sources d'information et d'analyse disponibles aux scientifiques et érudits arabophones est étrangère.

Les domaines de recherche d'une grande importance pour répondre aux besoins culturels, sociaux et économiques des pays arabophones sont des terrains vierges. Une grande partie des informations vitales, utiles et techniques n'est ni connue, ni utilisée par les savants arabophones pour des raisons inconnues, et certaines connues.

L'enseignement de l'arabe, dans les pays musulmans, arabophones ou non, est parfois insuffisant en raison de l'attachement à certaines traditions qu'il faut d'urgence réformer. On nous a parlé, d'une manière fort intéressante, de l'oeuvre de Farabi, mais peut - on appliquer les conceptions remarquables d'un penseur du Xème siècle aux nécessités du monde contemporain? Non.

Comme les pays de langue arabe sont restés à l'écart du mouvement scientifique depuis plusieurs siècles, son vocabulaire reflète l'expérience ancienne du monde, exprime des notions qui ne correspondent, au mieux, qu'approximativement aux notions modernes

Quelles sont les solutions ? On calquera les mots étrangers, non pas d'après leur sens, mais d'après leur étymologie. L'arabe ignorant totalement la composition, les mots composés sont justement, ceux qui présentent le plus de difficultés pour une arabisation procédant par calque (si on choisit ce moyen).

Pour trouver une solution, on aura recours à une analyse étymologique du composé, soit à une innovation hardie, la création de composés auxquels on donnera la forme la plus compatible avec la structure de l'arabe. Cela fournira à la langue arabe des moyens au service de son développement spécifique.

 

Troisième partie

Base terminologique arabe - langues européennes

Est ce que la langue arabe va choisir de s'immobiliser et de se replier sur elle - même et de retourner au néant comme le lui souhaitent ses adversaires et les détracteurs de l'islam ? Va - t - elle, au contraire, se libérer du poids du passé et redevenir ainsi une langue vivante en revalorisant ses propres outils linguistiques lui permettant d'absorber tous les termes civilisationels et techniques ? Ici résident les secrets de sa pérennité et de son éternité. L'évolution de la vie et les exigences de notre siècle imposent une action rapide pour suivre les changements intervenus dans une civilisation et être contemporain des développements scientifiques et techniques.

D'autre part, on doit savoir que le texte coranique est le garant de l'unité d'une langue arabe littéraire unifiée. Il faut se préserver de tous les dangers menaçant l'unité, la coordination en matière de termes scientifiques et technologiques ainsi que l'entraide entre tous les arabophones. On sait, en effet, que la graphie arabe au premier siècle de l'hégire est différente de celle du quatrième siècle. L'arabe a toujours besoin de dictionnaires et de base terminologique contenant les termes littéraires, dialectaux, anciens, nouveaux, arabes et arabisés mentionnés dans les livres écrits par les arabes et les musulmans ayant écrit en arabe. En effet, l'utilisation et la propagation d'un terme se basent sur la volonté d'utilisation de celui-ci et l'ardeur à le promouvoir. Le temps aide aussi à son enracinement et à sa pérennité ou, au contraire, à l'ébranler ou à le faire disparaître.

C'est en sciences exactes que les équivalents sont les plus difficiles à trouver. La démarche française concernant l'adoption de mots nouveaux provenant de l'anglais, par exemple, pourrait servir de modèle dans notre propre recherche vers la langue arabe. On évitera ainsi l'imitation aveugle de l'une de ces langues et contournera tous ces manques. Le dynamisme d'une langue se mesure à sa capacité à exprimer toute réflexion ou sentiment.

Plus une culture est vigoureuse, plus son pouvoir d'assimilation est grand. Et plus est grand son pouvoir d'assimilation, moins elle a à craindre d'être envahie par d'autres cultures. L'un des signes auxquels on pourrait reconnaître le vieillissement, et donc l'essoufflement, d'une culture, réside dans la rigidité, la fermeture sur soi, le fixisme, et son corollaire : le dogmatisme.

Afin d'augmenter cette vivacité, il est urgent de ne plus limiter l'usage de la langue arabe à des fins religieuses et de mettre fin à la domination des groupes politiques dans l'apprentissage et l'enseignement de la langue arabe.

Il faut moderniser et réformer la langue arabe pour :

- augmenter le nombre de bases terminologiques multilingues éducatives et pédagogiques
- diminuer l'importance des logiciels religieux existant sur le marché
- permettre à tous les arabophones - arabes ou pas - d'utiliser une langue arabe plus libre, débarrassée de toute contrainte et répondant aux besoins actuels.

La nouvelle culture arabo - musulmane, jeune et vigoureuse, sera une culture ouverte à toutes les influences. C'est ainsi qu'elle assimilera les cultures grecques, persanes et hindoues, qu'elle s'ouvrira aux influences judaïques et chrétiennes et qu'elle prendra des colorations aussi bien orientales qu'occidentales sans jamais se dissoudre dans ces divers éléments et sans, bien sûr, donner l'impression de l'amalgame ou de la mosaïque.

D'autre part, tous les emprunts faits à d'autres langues sont complètement assimilés dans le "moule" arabe. En conséquence, il ne fait aucun doute que la liberté d'expression en philosophie et en sciences a, évidemment, des répercussions positives en matière de recherches linguistiques. Les arabophones ayant eu des relations commerciales et politiques avec les peuples voisins, depuis longtemps, adoptaient les termes non arabes, les polissaient, les adaptaient aux paradigmes et au raisonnement logique de leur langue. Phonétiquement, les termes présentent toutes les caractéristiques de l'arabe littéraire.

Finalement, comment des langues peuvent elles se considérer comme indépendantes les unes des autres et se préserver de toute influence extérieure. Ces mots obéissent aux règles de conjugaison et de grammaire quelque soit l'origine du terme. Les seuls critères de sélection seront le bon goût, la beauté du son et la facilité de la prononciation.

Le parasitisme culturel est le signe manifeste de l'état de sous développement culturel. Par "parasitisme culturel", on entend l'état d'une communauté qui consomme plus qu'elle ne produit et dont le niveau de conscience de ses membres, en tant que "consommateurs de valeurs" se situe bien en deçà de ce qu'il devrait être.

Le contact entre cultures d'inégal prestige engendre une situation anormale pour la culture la moins prestigieuse, surtout lorsque ces contacts sont établis dans tout un contexte de domination politique, économique et social, lequel finit, à la longue, par engendrer une situation de dépendance caractéristique de la plupart des pays du Tiers - Monde.

"La culture du silence", c'est être silencieux, c'est ne pas avoir de voix authentique, c'est suivre les prescriptions de ceux qui parlent et imposent leurs mots. Cette culture du silence est devenue le lot des pays arabo- musulmans dès l'instant où les liens entre la culture occidentale et la culture arabophone se sont établis en termes de domination et de soumission.

Les arabophones doivent renouer avec la véritable tradition culturelle arabo - musulmane, renoncer au parasitisme culturel et s'ouvrir au monde extérieur dans une perspective d'échange réel et de participation effective à la production de nouvelles valeurs culturelles.

Tous les défenseurs de la langue doivent s'entraider pour pérenniser et soutenir la liberté et l'indépendance de leur nation, afin de lancer un mouvement linguistique puissant et intelligent faisant de la langue arabe une langue des sciences, de la littérature et de la civilisation. Ce mouvement accueillera en son sein des linguistes renommés participant à l'effort de création et d'innovation. La responsabilité du transfert des connaissances contemporaines d'une langue européenne à l'arabe est une responsabilité nationale et morale. C'est aussi une question vitale pour l'identité et la nation arabophone. En fait, les termes techniques constituent un élément essentiel de l'héritage des arabophones dans le processus de transfert des sciences et techniques modernes vers l'arabe.

Il est intéressant d'examiner la propagation de la culture arabe dans le monde : la langue arabe est la langue du Coran et de la culture arabo - musulmane dans des régions d'Afrique où la langue majoritaire n'est pas l'arabe. Le lien entre l'arabe et l'apprentissage du Coran a été réalisé. On considère cet apprentissage nécessaire pour les prières. L'apprentissage de l'arabe est essentiel à celui des versets du Coran. Cela a pour conséquence la propagation de la langue arabe dans tous les pays africains comprenant des communautés musulmanes. Cela ne signifie pas que tous les pays musulmans sont arabophones. Cependant, on ne doit pas oublier que dans beaucoup de pays africains ayant des communautés musulmanes ou dont la majorité de la population est musulmane, la langue arabe est utilisée.

Il serait souhaitable d'harmoniser la langue arabe scientifique d'un pays à l'autre.

Les juristes arabes ont généralement adopté le système juridique français et traduit les termes juridiques du français en arabe avec succès. Il faudrait, maintenant, assurer une collaboration entre experts qui soient, en même temps, juristes et linguistes. Le but de cette collaboration serait d'examiner la terminologie existante et de la systématiser dans une base de données de façon utile.

Afin de rendre plus utile cette nécessaire collaboration, il serait indispensable de se baser sur les considérations suivantes : l'environnement a son importance dans le changement de sens d'un mot qui s'opère lors de son passage d'une langue à l'autre. L'emprunt de mots d'une langue à l'autre (de l'arabe vers le français ou de l'ourdou vers l'allemand) est une chose admise et connue. Les arabes ont emprunté un nombre incalculable de mots persans, car ceux-ci n'avait pas d'équivalents en arabe.

Ces mots ont été intégrés dans le cursus linguistique arabe après avoir été arabisés. Ils sont ainsi devenus une partie intégrante de l'arabe. Ce même type de phénomène est aussi valable entre l'arabe et les langues européennes, notamment l'espagnol, le grec et le portugais pour ne citer que les langues européennes les plus répandues. On peut donc en conclure que toute langue est influencée par sa propre civilisation (coutumes, us, croyances et culture) mais aussi par sa situation géographique ainsi que par les contacts qui se sont noués au fil de l'histoire.

Il va sans dire que ces différents contacts ont une répercussion sur la langue elle-même. C'est pour cela que ces emprunts sont considérés comme le meilleur indice de l'histoire de ces peuples. En mettant en exergue les différentes phases qu'a traversées cette langue, on connaîtra les étapes franchies par ses locuteurs. Grâce à l'emprunt, aux dérivations et à la création, la langue arabe doit, à l'instar des langues européennes, adopter ces termes nouveaux, en gardant son génie propre. Si seulement on pouvait prendre comme exemple l'ouverture d'esprit, l'attention et l'intérêt des anciens arabophones pour leur langue, on pourrait alors enrichir l'arabe de milliers de termes nouveaux pour lui donner une autonomie scientifique et technologique plus grande.

Comment peut - on améliorer, grâce aux différents "moyens de passage", les différentes bases terminologiques déjà existantes ?

Minisis, système de gestion de base de données mis au point au Canada par le Centre de Recherches pour le Développement International, peut fonctionner dans un contexte multilingue avec l'emploi de différents jeux de caractères latins, grecs, arabes et cyrilliques. Il fait partie de la famille des systèmes de gestion documentaire ISIS. Il est fondé sur la théorie relationnelle des bases de données qui permet d'organiser des sous - ensembles de bases plus vastes ou de combiner les données de plusieurs bases. Il suffit ensuite de prévoir, dans les deux bases, un élément commun qui servira à établir le lien entre les deux bases qui, une fois combinées au plan logique, en formeront une nouvelle, plus vaste. Pour faciliter la gestion des données, Minisis a adopté le format ISO 2709 pour l'échange de données bibliographiques sur bande magnétique. Les données peuvent être codées en EBCDIC ou en ASCII.

Une autre expérience, celle de l'ALECSO, est à signaler : grâce à sa banque de données, Farabi, l'ALECSO va établir un réseau interarabe de communication des données culturelles scientifiques et pédagogiques. Cette institution sera dotée de moyens de reproduction pour faciliter l'échange de documents avec les banques de données de données arabes ou étrangères, ayant la faculté d'utiliser les caractères arabes.

Le but de ces expériences est de mettre à la disposition des administrations et des entreprises des outils informatiques et mieux répartis pour remédier au vide laissé dans l'administration par la décolonisation, améliorer l'efficacité du fonctionnement et la qualité de la gestion de ces entreprises.

La création de telles bases de données permettra d'éviter les erreurs suivantes : absence de différents termes scientifiques récents, non harmonisation des définitions de divers termes et lecture incorrecte due à l'absence de points diacritiques chez les Anciens arabes ayant pour résultat la présence de points diacritiques sur différentes voyelles donnant des mots prononcés différemment.

La réussite d'une telle démarche nécessite un ensemble assez strict de mesures d'accompagnement et d'encadrement afin d'éviter une prolifération anarchique des équipements et de constituer un facteur de renforcement de la dépendance vis-à-vis des pays industrialisés. Il faut mettre en concurrence les sociétés étrangères et développer la production nationale.

Etant donné le développement rapide et la croissance que connaît ce siècle, un dictionnaire doit avoir un contenu ordonné, harmonisé, corrigé et mis à jour à intervalles réguliers. Il doit aussi contenir des exemples précis, des illustrations et des graphiques explicatifs et pédagogiques. Les bases de données doivent avoir un bon aspect extérieur et être bien imprimées. Les bases de données en caractères arabes doivent se distinguer par des définitions scientifiques correctes et précises en évitant les erreurs commises dans les anciens dictionnaires et bases de données. Afin de réussir cette entreprise, il est nécessaire d'associer des spécialistes traitant de différentes matières pour garantir l'harmonisation, la division du livre en chapitres et son embellissement ainsi que l'impression de la base de données en caractères arabes tant souhaitée et tant attendue.

Afin de parfaire ce projet, il faut élargir les données contenues dans cette base de données à l'ensemble des idées liées au monde arabophone. On agrandira le cercle des connaissances en incluant les informations relatives aux arabophones - musulmans ou non (islamisants, arabisants et orientalistes) - et aux musulmans - arabophones ou non (kurdes, iraniens, berbères).

Les bases de données qui se vendent bien aujourd'hui ne sont pas l'oeuvre d'une seule personne mais le travail de spécialistes connaissant bien l'aspect pratique et théorique de la lexicographie. Si le traitement automatique de données ne se base pas sur des bases grammaticales claires, ce traitement sera de pure forme et basé sur le transfert aveugle de données d'une langue à l'autre. Afin d'éviter cela, on doit tout d'abord rassembler tous les mots contenus dans les anciens lexiques et dictionnaires en sachant qu'ils sont difficiles d'accès et pas toujours fiables. Si l'on souhaite jeter un regard critique et constructif sur ainsi que pouvoir différencier le vrai du faux dans ces ouvrages, on doit connaître les sciences modernes, être informé des connaissances des Anciens, être versé dans leur langage scientifique.

A cela, on doit ajouter le fait que seule une partie de la langue arabe nous a été transmise et que la majorité des mots ont disparu quand ceux-ci n'étaient plus utilisés. Pour compléter ce tableau, on dira que les dictionnaires unilingues arabes contiennent plusieurs définitions pour un même vocable.

Si l'on stocke ces termes dans une banque de données, il devient facile de les retrouver soit pour les utiliser à des fins personnels, soit pour créer une base de données spécialisée ou générale. Deux autres fautes sont à éviter. La première est de ne pas différencier les différents niveaux de langue ou registres auxquels appartiennent ces mots. La seconde est de donner plusieurs définitions à un seul terme.

 

Conclusion

L'avenir de la communauté culturelle arabo - musulmane dira si cette communauté est encore capable d'une volonté certaine de rejaillissement susceptible de faire opérer à sa propre langue les rétablissements nécessaires que d'autres langues, dans des contextes similaires, ont pu déjà réaliser.

Nous avons tout à fait le droit d'inventer des mots et des expressions comme le faisaient nos ancêtres.

La langue doit servir le peuple et non le contraire.

La langue, sous forme de dictionnaire ou de base de données, doit être standardisée et revivifiée pour devenir un instrument d'expression transcendant les appartenances politiques et les frontières géographiques.

Les arabophones ont eu un passé glorieux dont ils peuvent s'inspirer mais cette inspiration doit aller au delà de la complaisance et de l'auto - satisfaction pour satisfaire les exigences urgentes du présent.

Pour réussir, il faut que les arabophones coupent tout lien avec le parasitisme culturel, produisent de nouvelles valeurs culturelles correspondant au génie de l'arabe, réforment, rénovent les connaissances acquises basées sur des préceptes anciens et s'ouvrent aux autres pour une collaboration efficace, fructueuse et enrichissante.

 

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