Travail en r�seau et r�seau de langues :
l'exemple de Realiter

Lo�c Depecker

secr�taire g�n�ral de Realiter (R�seau panlatin de terminologie) Universit� de la Sorbonne-nouvelle-Paris III-CRETTAL-LILLA

Bon giorno, buenos dias, bon dia, bonjour,

je pourrais vous dire bonjour dans les 7 langues néolatines de Realiter, à savoir : catalan, espagnol, français, galicien, italien, portugais, et roumain. C'est ainsi que nous correspondons à Realiter, en parlant dans sa langue et en essayant de comprendre la langue de l'autre. Rassurez-vous, il n'y a pas trop de malentendus !

Ma communication s'intitule " Travail en réseau et réseau de langues : l'exemple de Realiter ".

Nous parlerons donc de la notion de réseau et de son évolution ces dernières années.

Realiter est issue d'une idée un peu folle que nous avons eue avec Daniel Prado il y a quelques années. À l'origine, nous pensions créer une commission de terminologie des langues latines. En fait il s'agissait de faire évoluer conjointement les langues latines, particulièrement en ce qui concerne leurs vocabulaires scientifiques et techniques. L'idée était là depuis longtemps dans l'air mais n'avait pas encore fait l'objet d'une réalisation. La première réunion de Realiter eut lieu à Paris en décembre 1993, et je salue au passage les vaillants pionniers de Realiter qui étaient là à cette réunion. La date est importante car il faut bien se remettre en tête ce qu'était la notion de réseau de langues à l'époque. Nous pouvions nous fonder sur une somme d'expériences, notamment dans les pays francophones. Le RINT, le réseau international de néologie et de terminologie francophone fonctionnait depuis 1987, avec pour but de faire évoluer conjointement la langue française dans les différents pays francophones en réunissant les partenaires représentatifs de ces questions dans le monde francophone. Nous avons repris pour Realiter beaucoup de l'expérience du RINT, d'autant que plusieurs membres de Realiter sont aussi membres du RINT. L'idée de réseau à cette époque était donc d'essayer de travailler en commun avec des personnes éloignées et avec les moyens traditionnels. J'énumérerai ici quelques-unes des spécificités de Realiter jusqu' à aujourd'hui :

- Realiter est plus un réseau de personnes (universitaires, chercheurs, traducteurs) que d'institutions ; mais les institutions sont tout de même bien présentes, comme le Bureau de la traduction du Canada et l'Office de la langue française, qui se sont intéressés dès le début à Realiter en raison notamment de l'importance prise par l'espagnol sur le continent américain ;

- Realiter est un réseau de personnes de toute provenance dans le monde latin. Ce sont des personnes qui se sentent concernées par les questions de terminologie, et peu à peu de traduction en général, et aussi plus largement d'aménagement des langues ; il est impressionnant et rassurant de voir combien les chercheurs et enseignants ont pris peu à peu conscience, particulièrement dans le monde latin, de la nécessité de défendre leur langue et de faire évoluer les terminologies ;

- Realiter est un réseau de personnes de bonne volonté, car chacun apporte ses moyens au réseau. Realiter n'a en effet pas de budget propre. Je remercie au passage les personnes de Realiter qui mobilisent leurs ressources, y compris personnelles pour faire fonctionner Realiter. Je remercie également l'Union latine, particulièrement Daniel Prado, sans qui Realiter n'aurait pas existé. L'Union latine fournit à Realiter une logistique très efficace. Vitelio Herrera n'est pas là, mais je tiens à rendre hommage à son sens de l'organisation pour sa gestion au jour le jour de Realiter. J'ai l'habitude de lui dire qu'il y a dans Realiter un secrétaire général actif, c'est lui, et un secrétaire général passif , c'est moi. Je tiens également à remercier au passage la Délégation générale à la langue française pour l'aide qu'elle apporte à Realiter depuis le début. Si une autre institution dans la salle souhaitait apporter de l'aide, nous ne refuserions pas !

Je reviens à cette notion de réseau : la notion de réseau s'est trouvée transformée par l'apparition d'Internet. Internet a commencé à être utilisable sur une vaste échelle en France en 1994, donc quelques jours après la création de Realiter, et je me souviens de la mission que j'avais faite en février 1994 à l'université de Rennes II auprès de Daniel Gouadec, qui nous a mis sur cette piste-là. Je le remercie ici aussi au passage. Internet a tout bouleversé, et nous n'avons cessé depuis de réfléchir sur les avantages à tirer d'Internet pour nos travaux. Ainsi, Realiter a été créé sur une idée traditionnelle de réseau de langues, mais a immédiatement intégré le concept d'Internet. Car il faut penser que " réseau " sous-entend " réunion ", et que ces réunions coûtent cher ! On peut cependant difficilement se passer de réunions, car l'objectif est de réaliser des travaux en commun, des travaux cohérents, qui se voient, et surtout qui aboutissent !

En ce qui concerne les projets réalisés par Realiter, je citerai, outre la méthodologie, dont les grands principes sont désormais en place :

- la table des formants des langues latines : ce travail avait pour but de réunir les formants des langues latines à des fins notamment de néologie ; il est désormais accessible sur Internet ;

- la création d'un site Internet pour Realiter grâce au soutien technologique de l'Université Pompeù Fabra de Barcelone, qui a fait et fait toujours beaucoup pour Realiter ;

- des glossaires et dictionnaires plurilatins à partir de bases de données accessibles sur Internet (notamment le Glossaire panlatin des termes de base de l'informatique) ; d'autres vont sortir, particulièrement dans le domaine de l'environnement grâce à l'Université nouvelle de Lisbonne ;

- la liste de diffusion Termilat.

Je m'attarderai un peu sur Termilat car c'est un outil qui est devenu essentiel. C'est une liste de diffusion excellemment modérée par Marcelo Sztrum, que je salue ici, et qui regroupe aujourd'hui plus de 250 langagiers, c'est-à-dire des spécialistes de langue dans le monde latin : terminologues, traducteurs, enseignants, universitaires, linguistes, lexicographes, rédacteurs techniques, éditeurs, étudiants, chercheurs, journalistes spécialisés, bibliothécaires et documentalistes, politolinguistes, informaticiens ou ingénieurs. On y trouve nombre d'informations, sur les personnes-ressources, sur les publications, sur des termes, sur des manifestations, sur des offres et des propositions d'emplois, etc. Marcelo, y trouve-t-on aussi des propositions de mariages ?
Quoi qu'il en soit, les principales informations véhiculées par Termilat sont désormais compilées dans une base de données informationnelles (http://www.unilat.org/dtil/termilat/Accueil_termilat.htm).

J'aborderai maintenant les projets de Realiter qui sont en cours, projets susceptibles d'intéresser nombre de personnes dans le monde latin :

- le recensement des normes de l'ISO importantes pour la terminologie, afin de traduire dans les langues latines celles qui ne le sont pas encore ; il s'agit de pouvoir disposer dans les langues néolatines des principales normes méthodologiques issues des travaux du TC37 ;

- l'intensification des échanges entre les membres de Realiter (les " Realiterriens ") grâce à la liste de diffusion Termilat, ce qui montre notre volonté de nous ouvrir sur l'extérieur et de créer des dynamiques de recherche et de réalisation de travaux : Termilat offre un exemple très moderne de travail en réseau, et conduira sans doute à terme à la constitution de travaux en commun dans lesquels Realiter n'aura que peu à investir ;

- la création d'un site portail Internet regroupant toutes les sites et sources sur les langues latines aujourd'hui. Cette création est en cours. C'est à mes yeux l'un des projets phares que nous devons conduire.

Il s'agit là de travaux encore modestes (Realiter a fini de mettre au point ses principes organisationnels et ses principes méthodologiques que très récemment), mais très concrets, à retombées directes.
Il serait difficile de citer précisément les retombées indirectes de Realiter. On peut cependant indiquer :

- la mobilisation des personnes du monde entier autour d'autres projets concrets qui sont en train de se construire sous nos yeux ;

- la sensibilisation à la problématique de l'aménagement linguistique dans les pays du monde latin.

Dernière nouvelle encore : effet direct et indirect je ne sais, je puis vous annoncer aujourd'hui une bonne nouvelle : nous avons décidé de créer la Société française de terminologie, société savante qui a vocation à réunir les principaux partenaires en France sur les questions de terminologie. Elle a pour but de favoriser et de promouvoir toute action en matière de terminologie et de disciplines associées. Merci donc de nous avoir permis de nous exprimer ici, et merci à l'Union latine et à l'AET d'avoir par la manifestation d'aujourd'hui favorisé la réalisation de cette idée.

 

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