La
Coopération en matière de terminologie au niveau de l'Union
européenne
Hubert Paesmans Terminologie et appuis linguistiques, Commission Européenne, Luxembourg |
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Mesdames, Messieurs, Avant d'aborder le thème de ma présentation, c'est-à-dire la coopération en matière de terminologie au niveau de l'Union européenne, je voudrais tout d'abord m'attarder quelques instants sur les raisons qui ont poussé mon Institution, la Commission Européenne, à déployer une activité terminologique tellement vaste et intense et mettre en uvre des ressources humaines, techniques et financières aussi importantes au profit des langues et de la terminologie. L'origine de cette activité linguistique et terminologique remonte aux années 50, lorsque les pères fondateurs de la Communauté ont fait un pari audacieux en plaçant les langues officielles des Etats Membres sur un pied d'égalité, dans le respect des spécificités culturelles de chacun, au nom de la démocratie, de la transparence et du droit. L'Union Européenne se distingue ainsi des autres organisations internationales, parce que sa nature est essentiellement différente. Contrairement à l'ONU, dont les résolutions ne s'adressent qu'aux gouvernements, les travaux et les décisions des Institutions communautaires touchent directement les citoyens et les entreprises de l'Union puisque l'Union produit un droit communautaire directement applicable dans les Etats Membres. Un des principes généraux du droit stipule que tout citoyen est égal devant la loi et qu'il est en outre censé la connaître. Il va de soi que ce principe ne peut s'appliquer que si la loi est rédigée dans une langue comprise des citoyens. Il en résulte dès lors que toute la législation européenne est publiée et fait foi dans toutes les langues officielles de l'Union. En s'adressant à chacun dans sa propre langue, l'Europe transmet son message tant au spécialiste qu'au citoyen, à l'homme de la rue. C'est dans cette optique que les présidents Delors et Santer ont lancé un appel pour que notre langage soit clair, concis, proche du citoyen, que les textes soient écrits d'une plume légère. Une Europe qui aurait artificiellement restreint le nombre de langues communautaires n'aurait pas simplifié le dialogue entre les pays, mais elle l'aurait, au contraire, appauvri et affaibli. C'est dans cet esprit que les signataires du Traité ont choisi de prôner l'égalité de toutes les langues officielles des Etats Membres. En effet, l'égalité aurait été gravement compromise si l'on avait accordé à une ou à quelques langues le privilège d'être le ou les seuls moyens de communication en Europe. Les flux de communication à partir de et à destination de l'Union se distinguent notamment par les distances géographiques qu'ils doivent parcourir, par leurs volumes et par leur caractère multilingue (11 langues à l'heure actuelle et tantôt peut-être 21). Si le développement des infrastructures de télécommunications a éliminé les obstacles géographiques sur le plan du transfert de l'information et si la mise en uvre des nouvelles technologies de l'information a résolu les problèmes posés par le volume de données à traiter, il fallait également mettre en place des solutions pour que les barrières linguistiques ne fassent pas obstacle à la libre circulation de l'information et au bon fonctionnement du marché intérieur. Sans traduction, une participation égale de tous à la préparation des décisions communautaires ne pourrait être assurée. La traduction est devenu de ce fait une étape incontournable du processus décisionnel. Le traducteur participe à ce processus car les textes réglementaires traduits ont même force de loi dans les onze langues. L'application de ce principe de multilinguisme, de l'égalité de traitement des langues européennes, génère des flux d'informations et de documents extrêmement importants qui se distinguent par leur complexité technique et leur spectre linguistique très large. Le contenu de nos documents est composé, d'une manière générale, pour les deux tiers de termes appartenant aux langues de spécialité. C'est pourquoi l'activité de rédaction et de traduction à la Commission s'accompagne d'un travail terminologique en amont et/ou en parallèle ou en aval, notamment pour établir des équivalents terminologiques dans les onze langues officielles de l'Union pour tous les concepts pertinents pour le travail et le fonctionnement de l'Union. Pour ce faire, la Commission dispose de l'unité Terminologie et appuis linguistiques qui est non seulement la plus grande unité du Service de Traduction, mais aussi la seule unité multilingue. La mission de notre unité qui comprend trois secteurs, deux Help desks linguistiques - un à Bruxelles et un à Luxembourg - et un secteur Eurodicautom, consiste à offrir tout un éventail d'appuis terminologiques et linguistiques aux traducteurs de la Commission mais également aux autres fonctionnaires de notre Institution. Cette assistance peut aller d'une recherche sur un terme très spécifique dans une, plusieurs ou toutes les langues officielles de l'Union jusqu'à l'élaboration de listes terminologiques spécialisées, une assistance sur le plan de l'utilisation d'outils informatiques d'aide à la traduction en passant par les outils terminologiques, mais aussi une aide pour des alignements multilingues de textes, la préparation de mémoires de traduction, des applications spécifiques pour certains types de documents, notamment la standardisation de documents, jusqu'à la maintenance de certaines ressources linguistiques comme des nomenclatures et le prétraitement multilingue de documents en recourant à des outils informatiques d'exploitation. Mais notre action ne se limite pas à la seule Commission. Elle s'adresse également aux autres Institutions, aux différents acteurs européens qui ont des besoins de terminologie multilingue ainsi qu'au reste du monde et cela notamment par une diffusion de nos ressources qui sont désormais accessibles sur le Web.
La terminologie A la Commission, la terminologie se crée, se forge grâce à un effort collectif, à l'action conjuguée de trois acteurs principaux :
La mission de la TERMINOLOGIE est de faire en sorte que les vocabulaires des langues spécialisées soient facilement accessibles, que les nombreux termes nouveaux - qui sont créées chaque année pour nommer des concepts nouveaux - soient répertoriés et que des équivalents correspondants au génie de chaque langue, soient disponibles. Le travail du terminologue au niveau de la Commission consiste à identifier ces nouvelles appellations, à les définir, à les structurer et à les diffuser pour les besoins des auteurs et des traducteurs. Le terminologue observe la vie des mots, recense les néologismes et identifie les lacunes terminologiques dans nos ressources, notamment dans les technologies de pointe, et il s'efforce d'y remédier en ayant recours à des spécialistes externes. C'est là ou notre service joue un rôle en tant que courtier d'information. En donnant naissance à un ordre juridique propre, la Communauté se forgeait un langage spécifique utilisant des concepts originaux qui devaient forcément être nommés par des termes nouveaux. Nous appelons ce langage l'Eurolecte, objet de tant de critiques et d'attaques d'Eurosceptiques et d'Europessimistes qui bien souvent ne visent pas seulement les mots, mais surtout la construction européenne. C'est également une des tâches des Services de Terminologie des Institutions européennes que de recenser ces notions, d'en inventorier les équivalents dans toutes les langues européennes en vue d'améliorer le transfert de l'information d'une langue vers l'autre, notamment par l'harmonisation et la normalisation des termes. Le résultat de ce travail était consigné à l'ère du papier dans des grands fichiers métalliques qui contenaient des milliers de fiches papier. Ces fichiers sont de nos jours informatisés. La terminologie, tant le service, l'activité, que le produit, constitue ni un luxe ni un caprice des autorités de Bruxelles, mais une nécessité afin de garantir la concordance et la cohérence de textes dans toutes les langues officielles de l'Union et dès lors la sécurité juridique. Mais ce n'est pas seulement la sécurité juridique qui est en jeu, l'utilisation du terme exact dans les prescriptions de sécurité pour l'utilisation de produits dangereux, appareils et machines, est essentielle pour la sécurité des utilisateurs et de nos enfants. Les terminologies qui sont élaborées au niveau de l'Union européenne ne sont pas seulement destinées aux fonctionnaires des Institutions, mais aussi aux administrations des Etats membres qui peuvent et doivent contribuer à les diffuser, voire les enrichir et cela pour les besoins des citoyens, décideurs politiques, mais aussi des opérateurs économiques en quête de nouveaux marchés dans des environnements linguistiques différents. Nous revenons un instant à l'acteur principal, le traducteur. Le traducteur dispose à l'heure actuelle d'une batterie impressionnante d'outils. La vieille boîte à chaussures destinée à conserver les trouvailles terminologiques appartient désormais à un passé lointain; le traducteur est à présent équipé d'un outil informatique de gestion terminologique qui lui permet de saisir d'une manière aisée et conviviale les nouveaux termes en langue source et langue cible, mais aussi tout terme ou expression inconnu ou problématique. A partir de son poste de travail, il peut accéder à la banque de données terminologiques EURODICAUTOM, qui contient plus de 1 200 000 fiches terminologiques dont 320 000 abréviations, dans les onze langues communautaires et parfois même en douze langues, le latin étant également utilisé dans certaines collections, avec au total plus de 5 millions de termes. Les traducteurs et terminologues ont également accès à EURAMIS, un serveur central de ressources linguistiques qui contient des mémoires d'unités de traduction et des outils d'alignement. Euramis permet aussi de faire des analyses terminologiques automatisées à partir d'un texte ou d'une liste en utilisant les contenus d'Eurodicautom et d'accéder à la traduction automatique et à la base Titres de Celex. Ils peuvent aussi accéder à la base SdT-VISTA, un serveur de documents qui permet une recherche libre sur les documents originaux et les traductions des cinq dernières années et l'affichage en parallèle de deux versions linguistiques. SdT-VISTA constitue un réservoir immense où les termes continuent à vivre dans leur habitat naturel, leur contexte. C'est un outil fort apprécié des traducteurs. Les nouveaux postes de travail, les traducticiels - appelés communément "Translator's Workbenches" dans le jargon interne - dont sont à l'heure actuelle équipés environ 25% de nos traducteurs, permettent de traduire les textes en exploitant une mémoire de traduction et une base de terminologie locales. Les bases terminologiques des autres Institutions, du Conseil et du Parlement Européen sont intégrées et mises à jour au sein d'Eurodicautom et peuvent être activées ou désactivées par des mécanismes spéciaux. J'admets que l'on pourrait se perdre dans cette jungle. C'est pour cette raison que nous venons de développer un guichet d'accès unique qui permet de lancer une question à travers une série de bases terminologiques et documentaires et d'afficher progressivement les réponses qui sont trouvées, ce qui évite une recherche séquentielle beaucoup plus lente et fastidieuse. Nous l'avons appelé le ONE-STOP. L'objectif de tous ces outils est :
Mais comme bon nombre de documents ont une vocation interinstitutionnelle, notamment dans le cadre de la procédure de codécision et de concertation entre Institutions, ces documents voyagent entre
parfois même avec un détour vers
Il est évident que nos utilisateurs, nos traducteurs, doivent pouvoir accéder aux données
des autres Institutions afin d'éviter les doubles emplois et la confusion, de garantir la cohérence des documents et de réaliser ainsi des économies d'échelle. A partir de 1995, nos Instances politiques nous ont clairement donné le mandat d'organiser la coopération entre Institutions là où elle semble possible et profitable, notamment dans le domaine de la terminologie et des outils multilingues. Si chaque Institution a un rôle particulier
tous ensemble nous uvrons pour le bien-être de l'Union et de ses habitants. A cet effet, les différents services de traduction réunis ont ensemble lancé un projet qui vise à unifier l'accès, le développement et la gestion de nos ressources linguistiques, notamment dans le domaine de la terminologie. L'intégration des bases terminologiques du Conseil et du Parlement dans Eurodicautom a été un premier pas. Le guichet ONE-STOP, une interface unique qui, dans sa version interne Commission, ouvre l'accès à 22 bases terminologiques, documentaires et juridiques des différentes Institutions, est un second pas. Soulignons deux innovations tout à fait intéressantes dans ce ONE-STOP : le scratchpad, ou bloc-notes, qui permet à chacun de rédiger des commentaires et notes terminologiques liés directement à un dossier de traduction et accessibles immédiatement à tout utilisateur, ainsi que de proposer des ajouts ou modifications aux contributions des autres. La deuxième innovation, c'est la possibilité d'envoyer une question restée sans réponse au Help Desk linguistique qui effectuera alors les recherches nécessaires. Et puis nous travaillons déjà sur une version plus avancée, plus intelligente du ONE-STOP qui permettra, grâce à une metaware derrière l'interface, de traiter les informations en provenance des différentes sources selon les souhaits de l'utilisateur ; celui-ci pourra alors hiérarchiser les réponses, les reformater, traiter les doublons, activer ou désactiver certaines sources, limiter le nombre de réponses ou introduire un profil. L'objectif final est de créer une banque terminologique unique pour l'Union. L'étude de faisabilité vient d'être présentée. Cet après-midi même, nous attendons le feu vert de la Réunion des Chefs des Services des Traduction pour lancer le projet et pour désigner son responsable et les membres du groupe de pilotage. Le fonctionnement et la gestion de la future banque terminologique unique reposera sur les principes suivants :
Quels avantages comptons-nous en retirer ?
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