L’interdisciplinarité
et la terminologie mathématique
Les termes migrateurs
Cristina Alice Toma
Université de Bucarest/ Université
de Genève
De nos jours, les problèmes de la
science se trouvent au croisement des disciplines
ou des domaines différents, ainsi que leurs
réponses font appel aux connaissances interdisciplinaires
ou transdisciplinaires. Face aux grandes questions,
les scientistes, poussés par le besoin
d’exactitude, cherchent des piliers pour
leurs théories dans des modèles
déjà existants. Est-ce que les mathématiques
pourraient répondre à cette nouvelle
tendance ? Pourquoi le discours mathématique
est capable, par sa forme, d’interdire le
refus de son contenu ? Le terme mathématique
transgresse son domaine ? Quelles sont les propriétés
qui favorisent la migration ?
La communication constitue le mot-clé
de l’époque actuelle. De nombreuses
sciences rendent compte de différents aspects
de la communication. L’enjeu de la terminologie
est de fournir des termes mono- référentiels
et mono- sémantiques susceptibles de réaliser
la communication sans reste que la science exige.
Il existe – d’une parte –
des champs d’étude qui font l’objet
de la recherche de plusieurs domaines scientifiques
et qui permettent l’apparition des termes
scientifiques interdisciplinaires. D’autre
part, les sciences, pour perfectionner leurs instruments
d’investigation, s’approprient des
méthodologies qui appartiennent à
d’autres sciences. Dans le cas des mathématiques
il s’agit de ce qu’on appelle la mathématisation
des sciences (par exemple, des sciences du langage).
Voilà deux types de migration de termes
scientifiques que l’on va analyser dans
cet article. On va examiner les termes scientifiques
interdisciplinaires ayant comme trait commun le
fait que tous appartiennent au domaine des mathématiques
[1]. On va établir
les domaines dans lesquels on retrouve le même
terme, mais aussi la direction de la migration
et la tendance générale de transfère
d’un domaine à l’autre en essayant
de montrer l’existence des classes spécifiques
des termes « émigrants » ou
« immigrants » et la préférence
des termes pour un domaine ou un autre ; on va
établir aussi la préférence
pour un domaine ou un autre d’être
l’origine ou la cible de la migration.
On va distinguer les contacts profonds entre
les domaines, qui se reflètent au niveau
du lexique dans l’existence des termes interdisciplinaires
mono- sémantiques (phénomène
qu’on va appeler interdisciplinarité
ou migration totale) et les contacts superficiels
entre différents domaines, fait qui renvoie
aux termes dont la caractérisation de mono-
sémantique est difficile à défendre
(phénomène qu’on va appeler
interférence ou migration partielle)
[2].
La méthodologie qu’on va adopter
pour étudier ces phénomènes
combine des méthodes d’analyse du
discours, de lexicologie et de sémantique.
On va utiliser le dictionnaire pour établir
le corpus, une démarche de va-et-vient
entre la sémasiologie et l’onomasiologie
pour envisager les phénomènes sémantiques
qui accompagnent la migration et l’analyse
du discours pour examiner le co-texte (linguistique)
et le contexte (non- linguistique) qui permettent
la migration.
On va présenter, tour à tour,
le corpus ; les domaines que les termes mathématiques
traversent et, finalement, les particularités
sémantiques et co-textuelles des termes
migrateurs.
1.Les termes migrateurs
et les domaines de leur circulation
Le corpus est construit suite à la
consultation du dictionnaire dans lequel on repère
les indicateurs du domaine qui sont soit explicitement
présents, soit récupérés
à partir du sens (définition lexicographique)
enregistré dans l’ouvrage consulté
[3]. Le mot accepté
dans la base de données à analyser
doit appartenir au moins à deux domaines
; ou, autrement dit, une entré lexicale
constitue un terme interdisciplinaire ou migrateur
si et seulement si le mot comprend un sens à
double indicateur de domaine (enregistré
ou récupéré). La double ou
multiple appartenance est le résultat du
passage d’un terme d’un domaine vers
l’autre ; le mouvement est orienté
principalement en fonction de divers facteurs
de nature extra- linguistique parmi lesquels l’intérêt
d’une certaine discipline pour un objet
d’étude d’une autre discipline
ou le transfère méthodologique d’un
domaine à l’autre. Mais il existe
aussi des facteurs de nature linguistiques qui
peuvent déterminer la multiplication d’usage
lexicale des termes mathématiques, comme
: la précision du sens (mono- sémantisme),
la sémiotique iconique associée
à un terme mathématique. Si les
facteurs d’environnement cognitif sont chronologiques
ou successifs, les facteurs linguistiques impliquent
des chaînes causales qu’on peut décrire
en amont du phénomène étudié
ou envisager en aval de celui-ci.
Le phénomène de migration des
termes fait partie du phénomène
plus général d’hétérogénéité
et de transversalité du discours scientifique
« circulant » [4]
qui convient aux hypothèses initiales de
Michel Foucault, qui écrivait : «
Au lieu d’être une chose dite une
fois pour toute […] l’énoncé,
en même temps qu’il surgit dans sa
matérialité, apparaît avec
un statut, entre dans des réseaux, se place
dans des champs d’utilisation, s’offre
à des transferts, à des modifications
possibles, d’intègre à des
opérations et à des stratégies
où son identité se maintient ou
s’efface. » (Foucault, 1969 : 138)
[5].
En particulier, par le fait qu’on part
dans notre analyse des termes mathématiques,
le phénomène de migration est d’autant
plus intéressant parce qu’il contredirait
l’intuition conforme à laquelle les
mathématiques, sont considérées,
en général, comme science «
fermée, ésotérique »
(v. Candel, 1998 :46), comme science moins ouverte
à la vulgarisation : « La communauté
scientifique mathématique pourrait constituer
un bon exemple de communauté à faible
impact discursif externe » (Beacco, 2001
:20). Notre analyse de l’impact terminologique
interdisciplinaire des termes mathématiques
se réalise en deux temps : dans un premier
temps, on retient toutes les entrées lexicales
qui contiennent plusieurs indicateurs de domaines
dans leurs définitions, entrées
susceptibles d’être termes interdisciplinaires
(migrateurs) ; dans un deuxième temps,
on distingue les termes vraiment migrateurs des
termes appelés partiellement migrateurs
.
L’interdisciplinarité des termes
mathématiques – dans un premier temps
– s’avère riche aussi par le
nombre des termes interdisciplinaires, que par
le nombre des domaines dans lesquels on retrouve
des termes mathématiques.
Domaine[6] est
le concept par rapport auquel on définit
le terme interdisciplinaire ou migrateur. Dans
un sens large, domaine représente
le champ du savoir humain ; en fonction de l’objet
de connaissance qui a ou n’a pas de relation
de continuité avec l’homme en tant
que corps, en tant qu’objet de la nature,
il existe la distinction entre deux domaines
: les sciences de la nature et les sciences exactes,
d’un côté, et les sciences
humaines, de l’autre. Dans un sens restreint,
un domaine constitue une discipline ou
une science particulière (caractérisée
par un objet et une méthodologie spécifique
d’étude) et son lexique. Cette dernière
acception est retenue dans cette étude
; le domaine lui- même est parfois divisé
en sous- domaines ; on utilise la délimitation
en domaines offerte dans les ouvrages lexicographiques
par le biais d’indications pour les langues
de spécialité auxquelles on apporte
quelques précisions. Les indicateurs de
domaines précisent le champ de l’usage
d’un terme, mais ils mélangent les
domaines et les sous- domaines et le phénomène
de migration, qui présuppose la transgression
d’une limite de domaine, est estompé,
il devient difficile à saisir. Ainsi, dans
le cas des indicateurs qui correspondent aux domaines
strictement délimités, la migration
d’un terme est facile à démontrée
par l’intermède de la lecture de
ces indicateurs divers qui accompagnent un même
terme ; dans le cas d’indicateurs qui permettent
l’inclusion d’un domaine dans l’autre
ou l’intersection des domaines différents,
le phénomène de migration devient
difficile à saisir à partir de l’information
des indicateurs lexicographiques et, par conséquent,
l’interprétation de ceux-ci doit
se réaliser à l’aide d’une
information supplémentaire tirée
de l’analyse du sens du terme. Il faut établir
s’il est le cas d’une migration d’un
sous- domaine à l’autre à
l’intérieur du domaine auquel l’indicateur
lexicographique correspond ou s’il n’est
que le cas d’une information moins forte
que l’ouvrage lexicographique nous donne
pour le terme analysé dont l’appartenance
à un sous domaine pourrait être strictement
précisée.
En effet, la délimitation des domaines
est très importante pour décrire
ensuite la migration des termes, leur interdisciplinarité.
L’organigramme suivant nous montre la répartition
aléatoire des indicateurs lexicographiques
par rapport aux domaines :
Fig. 1
Ainsi, si A est le domaine du savoir
; a, b, … représentent les domaines
et ,
ß, …sont des sous- domaines,
les indicateurs « de domaine » se
placent au niveau des ensembles a, b, …,
et aussi au niveau des ensembles ,
ß, … Cette répartition
dispersée des indicateurs empêche
une bonne description de la migration, étant
donné qu’un terme x est migrateur
ou interdisciplinaire s’il respecte une
des formules suivantes :
Quels que soient deux ou plusieurs domaines
distincts, un terme est migrateur s’il
appartient à l’intersection d’au
moins deux d’entre eux.
Quels que soient deux ou plusieurs domaines
ou sous- domaines distincts, un terme est migrateur
s’il appartient à l’intersection
d’au moins deux d’entre eux et si
le sous- domaine n’est pas inclus dans
le domaine d’intersection.
Parfois, les indications de langue de spécialité
comprennent le domaine et quelques sous- domaines
: GRAM
LING ou PHON
LING (il manque ici des sous- domaines comme :
sémantique, lexicologie, pragmatique, stylistique,
etc.). Le même mélange de domaines
et sous- domaines est enregistré dans les
séries :
Si un terme comme temps a l’indicateur
LING et comme l’on sait que la linguistique
comprend plusieurs sous- domaines, une partie
d’entre eux comptés comme indicateurs
lexicographiques, on a de bonnes raisons de se
demander si le comportement de ce terme à
l’intérieur du domaine linguistique
est ponctuel (pourquoi il n’a pas un indicateur
de sous- domaine comme GRAM, présent d’ailleurs
parmi les indicateurs ?) ou multiple, récursif
d’un sous- domaine à l’autre.
Évidemment, le terme linguistique temps
n’a qu’un seul sous- domaine où
il est utilisé, mais l’indicateur
lexicographique permet quand même une telle
question, d’autant plus si l’on trouve
à côté de lui des termes dont
le comportement répond positivement à
la même question : système, unité,
valeur.
Les domaines en tant que macro- contexte détermine
le phénomène de migration (v. 2.).
2.Domaines scientifiques
et migration des termes mathématiques
Il suffit de regarder la liste des domaines
dans lesquels on rencontre des termes mathématiques
(v. Annexe 1) pour se rendre compte de leur omniprésence.
Pourquoi les mathématiques ? Parce que
les mathématiques, en tant que discours,
mais aussi en tant que méthode de recherche
assurent l’exactitude des résultats
et constituent un modèle pour les autres
sciences. (N’oublions pas que ce fait n’est
qu’une hypothèse.)
En décrivant la réalité,
les sciences s’approprient des objets communs,
mais la perspective d’étude est différente.
Au niveau du lexique, cet aspect se reflète
dans l’existence des termes dont la référence
unique est reliée aux différents
domaines ; autrement dit : les termes interdisciplinaires
sont le résultat d’une double ou
multiple connexion à la même référence
:
Fig. 2
soit s’il est le cas d’un terme dénominateur
d’un objet, soit s’il est le cas d’un
terme dénominateur d’un instrument
d’étude. La relation linguistique
– extra- linguistique est inhérente
au niveau du lexique . Si l’objet et les
instruments font lieu commun des deux sciences
(pour notre analyse, les mathématiques
et un autre domaine), alors l’ensemble des
termes communs est plus nombreux :
physique – 80 termes communs avec les
mathématiques ;
technique – 46 termes communs avec les
mathématiques ;
économie – 30 termes communs avec
les mathématiques ;
astronomie – 28 termes communs avec les
mathématiques ;
logique – 27 termes communs avec les mathématiques
;
chimie – 26 termes communs avec les mathématiques
;
géographie – 26 termes communs
avec les mathématiques ;
médecine – 23 termes communs avec
les mathématiques ;
biologie – 22 termes communs avec les
mathématiques ;
droit – 20 termes communs avec les mathématiques
;
politique – 18 termes communs avec les
mathématiques ;
militaire – 17 termes communs avec les
mathématiques ;
linguistique – 16 termes communs avec
les mathématiques ;
musique – 15 termes communs avec les mathématiques
;
anatomie – 14 termes communs avec les
mathématiques ;
art – 14 termes communs avec les mathématiques
;
géologie – 9 termes communs avec
les mathématiques ;
Si ce qui vient dans l’intersection des
deux sciences fait partie seulement du savoir
commun de celles-ci (exceptant leur méthodologie),
alors le nombre des termes communs est petit :
Une explication linguistique du phénomène
de la migration est donnée par la sous-
catégorisation sémantique des termes
mathématiques interdisciplinaires : des
objets concrets, des objets abstraits, des processus,
des phénomènes, des états.
Les domaines qui combinent plusieurs sous- catégories
sémantiques des termes, contiennent plusieurs
éléments communs avec un autre domaine,
tandis que pour les domaines qui prennent des
termes appartenant à quelques sous- catégories
sémantiques, les éléments
de leur intersection sont moins nombreux. Le critère
quantitatif (type de la catégorie) se combine
avec le critère quantitatif (nombre des
catégories) pour déterminer la richesse
des termes de l’intersection des deux ou
plusieurs domaines.
La sous- catégorie sémantique
la plus productive pour les termes mathématiques
interdisciplinaires est l’objet concret
et, parmi les objets concrets, surtout ceux dont
la sémiotique relève des aspects
« dimensionnels ».
Le domaine dont l’intersection avec les
mathématiques est la plus large est la
physique. Les termes que les deux sciences possèdent
en commun dénomment :
des objets abstraits : équations,
énergie, facteur ;
des processus et des phénomènes
: accélération, amplification,
analyse, oscillation, transformation ;
des états : équilibre, stabilité,
cohérence.
Le fait que les mathématiques et la physique
ont beaucoup de termes communs s’explique
au niveau extra- linguistique par un champ d’analyse
commun et au niveau linguistique par la variété
des sous- catégories sémantiques.
Quant à l’origine des termes, l’accessibilité
sémantique des termes permettrait d’affirmer
qu’il y a des termes qui partent de la langue
commune (ceux qui appartiennent à la première
sous- catégorie sémantique), des
termes qui ont comme origine les mathématiques
(les objets abstraits) ou la physique (les
termes des deux dernières sous- catégories
sémantiques.
Les termes qui appartiennent en même temps
aux mathématiques et à la linguistique
ont une distribution pareille aux termes communs
aux mathématiques et à la physique
en classes sémantiques :
des objets concrets : centre, champ, point,
racine ;
des objets abstrait : complément,
conjonction, déterminant, hyperbole,
unité ;
des processus e t des phénomènes
: analyse, relation ;
des états : cohérence, transitivité.
Il parait que la sous- catégorie sémantique
est plus forte comme facteur qui détermine
la richesse d’une intersection entre deux
domaines par rapport au type de domaines concernés.
Les deux premières classes sémantiques
de termes se retrouvent aussi dans les domaines
qui contiennent un nombre moins nombreux de termes
communs avec les mathématiques : géographie
(axe, centre, cercle, champ, facteur,forme)
ou musique (forme, imagine, espace, temps,
valeur).
Quand l’intersection des deux domaines
se réduit à un seul élément,
celui-ci peut être placé arbitrairement
dans une des classes sémantiques mentionnées
: des objets concrets (disque, cylindre, couronne,
corde) ; des objets abstraits (condition) ; des
processus, des phénomènes, des états
(analyse, adhérence, dispersion) (v.
Annexe 2).
3. Macro- interdisciplinarité
et micro- interdisciplinarité
Il y a deux façons de concevoir l’interdisciplinarité
: soit à partir d’un domaine pour
lequel on cherche les contacts avec d’autre
domaines (macro- interdisciplinarité
ou migration globale), soit à partir
d’un termes pour lequel on regarde le parcours
d’un domaine à l’autre (micro-
interdisciplinarité ou migration
locale).
En analysant des termes qui passent d’un
domaine à l’autre on obtient une
échelle qui contient les termes à
partir des ceux les plus migrateurs jusqu’aux
ceux moins migrateurs :
Du point de vue sous- catégoriel sémantique
les dix premiers termes ont une répartition
non- homogène : des objets concrets
(corps, centre, base, courbe, cône, couronne)
; des objets abstraits (contrôle, unité)
; des processus, des phénomènes,
des états (analyse, dynamique).
Au niveau de la macro- interdisciplinarité
mais aussi au niveau de la micro- interdisciplinarité,
les termes qui occupent une position scalaire
plus haute sont ceux qui appartiennent à
la sous- catégorie sémantique des
objets concrets, contrairement à l’hypothèse
intuitive qui pourrait soutenir une degré
plus élevé de circulation des termes
abstraits dans les sciences ; on constate une
préférence accentuée pour
les termes de la langue commune et non pas pour
ceux dont l’origine est strictement scientifique.
4. La migration des termes
scientifiques et le co- texte
4.1. L’actualisation du sens des termes
mathématiques interdisciplinaires est,
dans certains cas, indépendante du co-
texte (linguistique) : il suffit d’avoir
entendu en parlant des mathématiques un
terme comme algorithme, cône, fascicule,
variable pour saisir le concept correspondent.
La migration des termes indépendants
est restreinte, à quelques exceptions près
: dynamique (10 domaines) ; disque
(9 domaines) ; densité (6 domaines),
image (6 domaines), fait du a une spécialisation
forte des termes qui ne permet l’utilisation
de ces termes que dans le domaine des mathématiques.
Si le terme mathématique indépendant
transgresse son domaine, il doit se contenter,
en général, dans un autre domaine,
d’une utilisation dont le sens est différent
(il s’agit de la polysémie ou même
de l’homonymie) : absorption, calcul,
groupe, rapport, segment, unité. Par
exemple, calcul (1) (« mise en œuvre
des règles élémentaires d’opération
(addition, soustraction, multiplication, division)
sur les nombres. ») est homonyme avec calcul
(2) (« MED. concrétion pierreuse
qui se forme dans divers organes (vessie, reins,
vésicule biliaire, etc. »). Il n’y
a que quelques termes interdisciplinaires qui
gardent leur sens indépendant dans le passage
d’un domaine à l’autre et ce
fait n’est valable que pour quelques domaines
(logique, linguistique, philosophie, physique,
astronomie).
4.2. Pour certains termes l’existence
d’un co-texte syntagmatique pour la récupération
du concept est nécessaire (analyse mathématique,
forme trigonométrique, système d’équations,
structure algébrique, unité imaginaire,
valeur numérique) ou facultative (complément
(d’un angle), dimension (d’un espace
linéaire)).
L’absence du mono- sémantisme [9]
du mot – base de la syntagme déclanche
la nécessité d’actualisation
du syntagme entier pour récupérer
le concept. Parmi les termes qui peuvent être
utilisés soit indépendamment, soit
dans des syntagmes, la plus grande partie garde
un sens tout le longue de leur utilisation, les
autres change leur sens dans le passage de l’indépendance
à la dépendance co- textuelle. Par
exemple, le terme équation, qui
a le sens « égalité qui n’est
vérifiée que par certaines valeurs
attribuées aux inconnues » (DNT)
garde le sens dans les syntagmes, les mots ajoutés
ne réalisent qu’une classification,
une typologie des équations : équation
différentielle, équation d’une
courbe, équation du temps, équation
personnelle.
Les termes qui font partie de la sous- catégorie
sémantique des objets concrets et qui garde
leur sens de l’utilisation individuelle
sont susceptibles d’une production riche
de syntagmes : fonction (MATH – fonction
réelle d’une variable réelle,
fonction complexe d’une variable réelle,
fonction algébrique, fonction numérique,
fonction du premier degré, fonction du
deuxième degré, fonction logarithmique,
fonction transcendante ; (AD M) – fonction
publique, fonction publique territoriale ; PHYS
– fonction de nutrition, fonction de reproduction,
fonctions digestives ; CHI M – fonction
acide, LING – fonction dénotative
; GRAM – fonction syntaxique ; LOG –
fonction propositionnelle ; ECON – fonction
de production, fonction commerciale) ; cercle
(MATH – grand cercle d’une sphère,
petit cercle, cercle d’Euler ; ASTRO –
cercle de hauteur, cercle horaire d’un astre,
cercle méridien ;BOT – cercle annuel
; PHYS – cercle oculaire ; TECH –
vin en cercles ; LOG – cercle vicieux ;
(SOCIOL) – cercle de famille, cercle d’études
; (SPORT) – cercle sportif ; (POL) –
cercle politique ). Les termes qui appartiennent
aux autres catégories sémantiques
donnent naissance à un nombre réduit
de syntagmes : algorithme (algorithme d’Euclide).
L’absence de l’homonymie [10]
dans le langage de spécialité, est
à l’origine de la manifestation rare
du phénomène de changement de sens
du terme- base d’un syntagme : base,
champ, classe, complément, corps, facteur.
Par exemple, le sens du terme seul facteur
: « chacun des nombres figurant dans un
produit » est différent du sens qu’il
prend dans le syntagme facteur premier d’un
nombre : « nombres premiers, distincts
ou non, dont le produit est égal à
ce nombre. (Un nombre admet une décomposition
unique en facteurs premiers). ».
Quant au phénomène de migration
des syntagmes, aucun syntagme mathématiques
n’est pas utilisé tel quel dans un
autre domaine. Le terme- base peut émigrer,
mais il devient base pour de nouveaux syntagmes.
Par exemple, facteur aide à la construction
des syntagmes : facteur de puissance (physique)
ou facteur général (psychologie).
5.Conclusions
Contrairement à l’hypothèse
initiale les termes qui réalisent une macro-
interdisciplinarité ou une micro- interdisciplinarité
plus riche sont des termes qui dénotent
des objets concrets et non pas des objets abstraits.
Entre les divers domaines il y a beaucoup de
contacts, mais l’interdisciplinarité
ou la migration totale est assez réduite,
le passage d’un terme d’un domaine
à l’autre est en général
accompagné soit d’un changement partiel
de sens (polysémie), soit d’un nouveau
co- texte, l’ancien terme devient la base
d’un nouvel syntagme. Parfois le changement
de sens est radicale (on se pose même la
question s’il s’agit toujours d’un
même terme) et une seule forme lexicale
couvre deux concepts totalement différents,
distincts (homonymes).
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SCL, XVI, nr.4.
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est double : d’une part, parce qu’elle
s’avèrent très productives
pour l’étude qu’on se propose,
d’autre part, parce qu’elles représentent
une discipline qu’on maîtrise bien.
[2]
v. Bidu-Vranceanu, Angela; Toma, Alice (2001)
– Lexic stiintific interdisciplinar,
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[3]
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[5]
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[6]
v. Rastier, François; Cavazza, Marc; Abéillé,
Anne (1994) – Sémantique pour
l’analyse de la linguistique à l’informatique,
Masson, Paris, p. 61-64. Rastier considère
le domaine un type de classe lexicale située,
en descendant, après le taxème,
mais avant le champ et la dimension.
« Chaque domaine est lié à
un certaine type de pratique sociale déterminée.
Les indicateurs lexicographiques, comme chim
(chimie), ou mar (marine) sont des indicateurs
de domaine ». Il y a deux teste pour identifier
un domaine : 1) dans un domaine la polysémie
lexicale est absente ; 2) entre les unités
d’un même domaine il n’y a pas
de lien métaphorique. v. aussi F. Mazière
(1981 – II) – Le dictionnaire et
les termes, in « Cahiers de lexicologie
», vol. XXXIX , p. 79-101.
[7]
Il faut préciser que les deux concepts
qu’on utilise, interdisciplinaire
et migrateur, ont la signification générale
, « qui appartient à deux ou plusieurs
domaine” , mais la différence est
donnée par l’orientation de la circulation
des termes , l’aspect statique de l’appartenance
des ter mes scientifiques aux différents
domaines ou, respectivement, l’aspect dynamique
du passage des termes d’un domaine à
l’autre.
[8]
Kleiber, Georges (1999) – Problèmes
de sémantique. La polysémie en questions,
PUS, Septentrion.
[9]
Le postulat de la terminologie de Wuster à
Lerat et Cabré est le mono- sémantisme
des termes de spécialité.