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Droit et terminologie


Sandra Travers de Faultrier [1]

Avocat
Chargée d’enseignement
à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris
Chargée d’enseignement à Paris I

 

 
 

La terminologie est une discipline et une activité tendue entre valeur patrimoniale et contrat social. Le droit de la propriété littéraire et artistique peut en effet être convoqué pour régir ce bien, la protection juridique des bases de données offrant un cadre légal à la reconnaissance de ce bien informationnel ; cependant la nature même des éléments composant la base terminologique plaide en faveur d’un compromis favorable à la libre circulation de l’information. En effet un contrat social existe implicitement en matière de propriété littéraire qui impose des limites aux vertus appropriatives du droit. Une langue, des mots dont l’usage doit être partagé ne sauraient relever du domaine privé. Entre œuvre et domaine public, la terminologie met en lumière de possibles conflits d’appartenance.


I. Une protection liée à un recueil
 

Le droit de la propriété littéraire, avec ses textes nationaux, internationaux et européens, semble approprié à la protection de l’activité terminologique. En effet, ce droit ayant pour objet l’œuvre, toute création de forme, toute réalisation d’une idée ou matérialisation d’une conception qui présenterait une originalité, à savoir la traduction d’une personnalité ou d’un choix intellectuel, relèverait de cette catégorie. La qualification d’œuvre à laquelle est subordonnée la mise en œuvre du droit de la propriété littéraire, dépend de la réunion des critères nécessaires et suffisants que sont la création de forme et l’originalité. Aucun autre critère n’est valide et le caractère littéraire est attribuée à toute œuvre composée de mots et non parce qu’elle serait ainsi qualifiée par la société ou l’université de lettres. La terminologie, sciences des termes et valeurs sémantiques tout autant que système linguistique, pourrait relever de la création littéraire dès lors qu’elle produit, fabrique des mots qui ne seraient pas usuels, qui ne relèveraient pas d’une langue déjà collectivement utilisée. Cette condition est essentielle car la transcription écrite d’une langue orale ne saurait, par exemple, conférer au transcripteur, de droit sur la langue. Or si création de mots il y a, celle-ci ne saurait prétendre à un régime appropriatif. En effet les mots produits ont pour vocation d’être utilisés, de s’imposer même obligatoirement par l’effet d’une loi, d’être diffusés au moyen de leur utilisation collective. Dès lors il n’est pas possible de pousser plus avant l’analogie entre le régime de l’œuvre et celui qui pourrait être celui de la terminologie. Pourtant la création de lexiques exige des investissements en termes de moyens humains, de moyens techniques mais aussi en termes de temps et d’argent. Or l’absence de protection dont la violation serait sanctionnée ne saurait qu’encourager des manœuvres indélicates consistant en l’exploitation non autorisée et non rémunérée des travaux effectués. Une catégorie juridique semble alors accueillante, il s’agit de celles des bases de données.

La directive du 11 mars 1996 énonce en son article 1er al.2 : « Aux fins de la présente directive, on entend par « base de données » : un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou d’une autre manière ». L’article 3 al.1 énonce quant à lui une règle de droit de la propriété littéraire comme étant le critère opérant de la distinction entre les bases de données protégeables et celles qui ne le sont pas. Il énonce ainsi : « Conformément à la présente directive, les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières constituent une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées comme telle par le droit d’auteur. » La Convention de Berne, premier texte international définissant des règles communes de propriété littéraire et dont le texte initial date du 9 septembre 1886 (plusieurs révisions et aménagements l’ont enrichi par la suite), a, par son paragraphe 5 de son article 2 (« Les recueils d’œuvres littéraires ou artistiques tels que les encyclopédies et anthologies […], par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles sont protégées comme telles ») fortement inspiré la rédaction européenne. Le texte européen a été transposé dans les différentes législations nationales conformément au principe d’effet indirect comme à celui du processus d’intégration. En France la loi du 3 juillet 1998 consacre la base de données comme un objet légalement protégé (ce que la jurisprudence avait permis antérieurement de faire avec un certain bonheur (arrêts Microfor/Le Monde) mais aussi une certaine fragilité (affaire Coprosa). Le terme « base de données » est un terme générique qui n’est subordonné à aucune acception professionnelle ou statutaire : « On entend par base de données un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ». Ceci a pour conséquence que « Les auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale. Il en est de même des auteurs d’anthologies ou de recueils d’œuvres ou de données diverses, tels que bases de données, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles. » Choix et disposition des matières déterminent donc le caractère d’œuvre, la qualité d’objet protégé de la base de données. L’activité de création terminologique trouverait donc dans la protection des ensembles terminologiques, des recueils lexicaux, un fondement. Œuvre, la base de données confère à son producteur les prérogatives traditionnellement reconnues à l’auteur : les droits moraux et patrimoniaux, ces derniers lui permettant de contrôler toutes les modalités d’exploitation de la base de données.

Les droits patrimoniaux sont des droits d’exploitations, c’est-à-dire des droits qui confèrent au titulaire de droits (l’auteur ou ses ayants-droits, ayants-causes) le droit de consentir ou de s’opposer à un usage de l’œuvre et ce, durant soixante dix ans à compter de l’année de fabrication. Autrement dit toute exploitation faite sans son consentement est illicite et à ce titre sanctionnée par les dispositions relatives à la contrefaçon. La mise en œuvre d’un droit d’exploitation suppose donc la cession écrite d’une ou plusieurs modalités d’exploitation précise : imprimer un livre et numériser une œuvre relèvent tous deux du droit de reproduction mais ne constituent pas la même modalité d’exploitation. Ainsi toute fixation matérielle de l’œuvre permettant de communiquer indirectement celle-ci au public doit être définie à travers la modalité choisie. Il en est de même pour la représentation ou la mise à la disposition du public. Autrement dit encore un tel régime juridique permet au producteur de base de données de décliner très exactement les usages qu’il entend autoriser ou interdire à son cocontractant. Ces contrats étant fondés sur un intuitu personnae (contrat signé en raison de l’identité du cocontractant), il lui est également possible de frapper d’incessibilité le droit ainsi accordé.

Le traité de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) en date du 20 décembre 1996 s’est fait l’écho, sur le plan international cette fois et non plus seulement européen, des définitions et protection des bases de données. Son article 5 énonce : « Les compilations de données ou d’autres éléments, sous quelque forme que ce soit, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles sont protégées comme telles. Cette protection ne s’étend pas aux données et éléments eux-mêmes et elle est sans préjudice de tout droit d’auteur existant sur les données ou éléments contenus dans la compilation ». Sous une réserve résultant de l’usage du terme « compilation » guère usité dans les textes européens et français, les dispositions du traité ne diffèrent guère de celles de la directive européenne et de la loi française. Encore une fois, le texte de la Convention de Berne, si ancien soit-il, refait surface avec une étonnante modernité ! On assiste ainsi à une véritable internationalisation ou « mondialisation » du droit.


II. Une protection contre les pratiques déloyales
 

Toutefois, parce que la faiblesse de la base de donnée réside dans ce qui la constitue juridiquement, à savoir d’être un rassemblement organisé de données individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen », elle souffre des pratiques de déchargement partiel auxquelles l’exposent les nouvelles technologies tout autant que la malhonnêteté. C’est la raison pour laquelle, pragmatique et au fait des pratiques indélicates et déloyales, le législateur a entériné le texte européen en sa partie novatrice, à savoir le droit sui generis.

Celui-ci se voit consacré au chapitre III de la directive dont l’article 7 énonce : « Les états membres prévoient pour le fabricant d’une base de données le droit d’interdire l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu de celle-ci, lorsque l’obtention, la vérification ou la présentation de ce contenu atteste un investissement substantiel du point de vue qualitatif ou quantitatif. » Il s’agit d’un droit créé spécifiquement pour les producteurs de bases de données. L’extraction est le premier terme affecté par le droit d’interdire créé pour le fabricant de la base. La directive européenne entend par extraction « le transfert permanent ou temporaire de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu d’une base de données sur un autre support par quelque moyen ou sous quelque forme que ce soit ». Ainsi toute fixation matérielle, indépendante du procédé technique de fixation et indépendante du caractère transitoire ou non de la fixation, peut être interdite par le fabricant.

La réutilisation est entendue par le même texte comme « toute mise à la disposition du public de la totalité ou d’une partie substantielle du contenu de la base par distribution de copies, par location, par transmission en ligne ou sous d’autres formes». Les actes de communication impliquant une mise à disposition de l’information sont donc également concernés par cette interdiction, ou, plus précisément, par ce droit d’interdire. L’interdiction de la réutilisation et de l’extraction est subordonnée au caractère intégral ou substantiel des extractions et réutilisations. L’évaluation du caractère substantiel peut-être qualitative ou quantitative : le qualitatif renverra à la valeur des données empruntées (rareté, coût de collecte et d’obtention…), le quantitatif renverra à l’importance numérique des emprunts.

A cela s’ajoutent d’autres interdictions qui trouvent leur fondement dans le caractère répété et systématique d’actes contraires à l’exploitation normale d’une base. L’article 5 énonce en son paragraphe 5 : « L’extraction et/ou la réutilisation répétée et systématique de parties non substantielles du contenu de la base de données qui supposeraient des actes contraires à une exploitation normale de cette base, ou qui causeraient un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du fabricant de la base, ne sont pas autorisées ». Ce sont les aspects répétitifs et systématiques des emprunts et actes divers qui sont visés. Parce que méthodiques, ces utilisations sont constitutives d’entraves à l’exploitation normale de l’œuvre et causent un préjudice au fabricant.

Tandis que le droit de la propriété littéraire aménage une durée protectrice relativement longue, le droit sui generis qui produit ses effets dès l’achèvement de la fabrication de la base, expire quinze ans après le 1er janvier de l’année qui suivant sa date d’achèvement. Mais c’est à tort que l’on peut craindre un décalage temporaire de protection entre le contenant (la base) et le contenu (les données) car le texte prévoit de larges possibilités d’allongement et de renouvellement de la durée de protection du contenu. Le paragraphe 3 de l’article 10 consacré à la durée de protection énonce : « Toute modification substantielle, évaluée de façon qualitative ou quantitative, du contenu d’une base de données, notamment toute modification substantielle résultant de l’accumulation d’ajouts, de suppressions ou de changements successifs qui feraient considérer qu’il s’agit d’un nouvel investissement substantiel, évalué de façon qualitative ou quantitative, permet d’attribuer à la base qui résulte de cet investissement une durée de protection propre ».

Il semblerait donc que l’arsenal juridique qu’offre le régime juridique de la protection des bases de données soit adapté à l’objet recueil terminologique. Cependant, comme nous l’évoquions en introduction, un contrat social existe implicitement en matière de propriété littéraire qui impose des limites aux vertus appropriatives du droit. Si le droit du public à la connaissance ou à l’information ou encore à la lecture ont pu justifier des entorses (les exceptions légales au droit d’auteur), parfois sans fondement légal (le prêt public en bibliothèque longtemps en France), au droit de l’auteur, ces mêmes droits ou principes supérieurs conduisent à penser qu’une langue, des mots, dont l’usage doit être partagé ne sauraient relever du domaine privé. La finalité même de la terminologie, fournir des moyens linguistiques permettant la désignation d’idées ou de choses, offrir des correspondances reconnues entre des réalités et les mots qui les disent et ce pour l’usage effectif que peuvent en faire les spécialistes comme les non spécialistes, s’oppose à la reconnaissance d’un monopole.

De plus, bien souvent produites par des institution organiquement publiques qui par ailleurs les imposent et les rendent opposables à tous, les bases de données terminologiques sont des œuvres destinées à la « consommation » publique, insusceptibles de rétention. Dès lors on ne peut que se retourner vers l’étude des documents (identifier la tutelle, nature publique ou privée de l’organisme) qui fondent de telles créations, comme sur la mission que ces mêmes documents reconnaissent à ces producteurs. Enfin on peut penser que le système des concessions avec obligation de diffuser et de mise à disposition du public selon des conditions financières précises ne faisant pas obstacle à l’accès du public à l’information, suppléerons à ces contradictions de texte et de principes.

Le droit protecteur existe donc mais celui-ci peut être suspendu, ou tout au moins son exercice, en raison même de la vocation, de la destination de l’objet qu’il protège. S’il en est ainsi des lois, actes officiels qui peuvent prétendre à la qualité d’œuvre mais qui relèvent du domaine public, il n’en est pas de même de certaines normes pourtant opposables à tous. Sans doute la terminologie trouvera-t-elle contractuellement une voie entre monopole opposé à la diffusion et reconnaissance favorable à la diffusion. L’application du droit est bien souvent subordonné à des principes et consensus plus fortement déterminants que les lois. La directive européenne du 22 mai 2001, quant à elle, semble étayer l’érection d’une frontière, entre droits effectifs et droits limités ou suspendus, sur la finalité même des usages poursuivis par une modalité d’exploitation. Dès lors l’accès à la reconnaissance de la qualité d’œuvre n’est pas le problème central pour ces productions terminologiques, mais la reconnaissance des conséquences de cette qualité relèvent, elle, plus que de la loi, de principes fondés sur le consensus et les choix politiques.


 
 

[1] Ouvrages publiés

Droit et littérature, essai sur le nom de l’auteur, PUF,septembre 2001.

Le Droit des bases de données, (projet européen Decidoc livre/formation; programme Léonardo : livre électronique)ADBS, 2000.

Le droit d’auteur dans l’édition, Imprimerie Nationale, 1993.

Livre blanc du multimédia, Syndicat National de l’Édition (ouvrage collectif), 1992.

Les aspects juridiques de l’information, ESF Éditeur, 1991.

 






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