|
La véritable novation dans l’architecture et son décor
apparaît à partir de la deuxième moitié du
XVIIIe siècle, sous l’impulsion d’un artiste
hors du commun, Antonio Francisco Lisboa, fils de Manuel Francisco et
d’une esclave noire. Antonio Francisco, né sans doute en
1738, est surnommé l’Aleijadinho, le petit estropié,
à cause d’une maladie dégénérative qui
se déclare en 1777, lui infligeant, jusqu’à sa mort
en 1814, de terribles douleurs et le contraignant à travailler
avec des outils attachés à ses moignons et à se faire
porter pour se déplacer et monter aux échelles. Très
certainement formé dans l’atelier paternel, doué d’une
culture architecturale évidente, dont on ignore les sources, et
d’une puissance d’imagination qui lui permet de parcourir
une bonne part de l’histoire de la sculpture occidentale, l’Aleijadinho
a laissé à Ouro Preto des monuments d’une perfection
absolue, non seulement au niveau du Brésil, mais aussi au niveau
de l’art européen, même s’il faut se rendre à
Congonhas do Campo pour voir la plus éclatante et la plus émouvante
démonstration de son génie de sculpteur. Son œuvre
est balisée par des documents qui mentionnent les « riscos
» qu’il a signés, et les expertises (« louvações
») auxquelles il a participé au moment de la réception
des œuvres par les confréries commanditaires et qui donnèrent
lieu à des procès-verbaux très détaillés.
Il a fait don à sa ville natale de son chef-d’œuvre
: l’église de la confrérie des Tertiaires
de Sao Francisco, fondée en 1746 et qui décide en 1765
de se doter d’un édifice propre. L’Aleijadinho donne
en 1766 les plans, qu’il remanie sensiblement en 1774 pour la façade.
En 1770-1771, il retouche très nettement le projet établi
par son père en 1766 pour l’église de la confrérie
des Tertiaires
du Carmo. Á São Francisco où il a pu s’exprimer
en toute liberté, il a fait preuve, à la façade,
d’une science extraordinaire qui lui a permis de donner à
l’architecture une grâce qui n’en affaiblit ni la monumentalité,
ni la noblesse. Á l’intérieur, il a miraculeusement
intégré le décor à la structure, en particulier
dans le chœur où les retables, qui creusent l’espace
sur un profil concave, donnent la parfaite illusion de faire corps avec
le monument dans une harmonie à laquelle le plein cintre du maître
autel confère toute sa plénitude.
|
|